jeudi 9 février 2012

Ray Ruby’s Paradise lost - Go Go Tales d’Abel Ferrara


On est d’abord étonné qu’avec un visage si naturellement grimaçant, Willem Dafoe trouve encore le besoin de cabotiner. Puis on réalise que le cabotinage est l’idée même de ce joyeux bordel, où le spectacle mélange la laideur et la beauté, la lumière artificielle des néons et l’obscurité naturelle des émotions. Le personnage de Ray Ruby s’accroche à ses expressions comme à des sensations fugaces et contradictoires, où il n'y a plus lieu de déterminer ce qui relève du show pathétique et de l’expressivité artistique. 

Sur le modèle des attitudes imprévisibles et semi-trash d’Asia Argento, l’image a, dans Go Go Tales, cette qualité ambiguë de spectacle fascinant et vulgaire, souvent obstrué par des mouvements non planifié venus squatter le premier plan : clients ivres, propriétaire burlesque, serveurs criards, ennuis d’argent. Et tout ça se trouvant intimement mêlé, on ne sait plus sur quel pied danser : on aime, on déteste, on est saisi par une musique, on s’ennuie. 

Un peu comme dans Bad Lieutenant, mais sur un mode purement comique, l’addiction au jeu a cette dimension sombre et existentielle : le ticket de loto perdu qu’on va chercher dans les recoins de la boîte métaphorise l’essentielle nécessité pour Ray Ruby de jouer à quitte ou double, d’investir tout son être dans la grimace la plus anecdotique, dans le show le plus anodin comme dans ces malheureux chiffres de loto. C’est probablement le sens du monologue final, confession qui prend la forme d’un bilan mais aussi d’un plaidoyer. Acculé, Ray Rubis défend la déchéance comme une éternelle opportunité de recommencer son cirque, et de ne plus dépendre que de cela.