dimanche 3 mai 2009

Guignol contre le grand spectacle - Holiday, de George Cukor


On peut appeler ça la lutte des classe, mais à mon avis la confrontation dont Holiday est la mise en scène est bien plus simple. Ou plus subtile. Dans ce film de George Cukor, où Gary Grant donne la réplique à une superbe Katharine Hepburn, un peu avant The Philadelphia Story, on voit un jeune homme aussi méchu que farfelu embarqué dans le grand jeu des fiançailles avec une riche héritière (la soeur de Katharine Hepburn - vous voyez venir le drame.)

Vont s'opposer deux mondes, ou plutôt deux scènes. D'abord il y a la grande bourgeoisie américaine. Le décor consiste en grandes pièces marbrées, en escaliers majestueux et en smokings amidonnés. C'est sur cette scène, à l'ambiance assez guindée et pas très commode, il faut le dire, que débarque Johnny Chase, le personnage de Gary Grant. Forcément, celui-ci détonne d'entrée de jeu. Direct, il entre côté jardin au lieu de côté cour, mélange les registres dans ses répliques aux domestiques, et semble confondre cravate et noeud pap. Plutôt que de se laisser effrayer par le silence éternels des espaces infinis de cette grande demeure bourgeoise, Johnny Chase se met en mouvement, allègre dans les décors figés.


Une chambrée, ou un âtre, vient s'opposer à ces espaces interminables et inhospitaliers. Il s'agit de la salle de jeux, essentiellement habitée par l'originale de la famille, la soeur de la fiançée: Linda (Katharine Hepburn). On y trouve entre autre piano, percussions, livres, cheminée, flutes, chevaux en bois et - très important, nous le verrons après - un théâtre de marionnettes. C'est aussi un lieu qui a été déserté par le frère, qui y fit jadis fructifier ses talents artistiques, auxquels il renonça finalement sous l'impulsion de son père. C'est bien entendu en cet endroit que se rencontrent pour la première fois Gary Grant et Katharine Hepburn.

Car si les deux scènes sont un temps laissées à l'abandon, c'est bien vite que le jeu s'anime: les deux théâtres s'opposent, les deux spectacles s'affrontent. L'essentiel se passe pendant la réception en grandes pompes, donnée à l'occasion des fiançailles. Le couple cousin de la fiancée, parcourt de ses sarcasmes suffisants la foule des convives. Linda, dont l'absence est remarquée, a préféré rester dans cette salle de jeux qu'elle appelle sa chambre. Vont bientôt s'y retrouver Johnny Chase, le frère de Linda et le couple d'ami de Johnny, qui sont la simplicité même. Toutes sortes de petits jeux, burlesques pour la plupart - de la musique, des discussions, des gags - se mettent à former un contrepoint à la réception qui se tient dans l'étage du dessous. Le sommet de cette subversion du grand spectacle de la bourgeoisie est atteint quand les vieux amis, exact inverse du couple snob des cousins, se mettent au spectacle de marionnettes, dans lequel ils ont l'air de moquer le "grand jeu" des fiançailles.





Ce qui se passe, dans cette salle de jeux, ressemble à une révolte du burlesque contre la grande forme ou contre l'esprit de sérieux. Pourtant, si l'aspect comique est moins important dans Holiday que dans une comédie de Hawks par exemple, c'est aussi parce que Cukor montre la façon dont le burlesque, le petit jeu, l'excentricité, se laisse facilement engloutir par le grand spectacle du conformisme. Tragédie bourgeoise. Ainsi, même s'il y a le happy-end, on retient surtout le sourire résigné du frère Ned, au-dessus de son verre de champagne, celui qui a tout compris mais a préféré renoncer...

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